Face à la déferlante numérique, développer son esprit critique est une nécessité.
Pratiques numériques et nouvelles formes d’engagement citoyen
Synthèse de l’atelier « Quels engagements citoyens des jeunes avec les nouvelles pratiques numériques ? », Animation : Sandie Vesvre, Maire-adjointe à la jeunesse, Les Lilas ; Alexandre Michelin, enseignant à la Sorbonne, Paris 1, ancien président de la commission images de la diversité du CNC, Directeur Studio Spicee. Rapporteur : Aurore Eccel, Conseil des jeunes des Lilas.
Aujourd’hui, les pratiques numériques permettent d’ouvrir le champ des possibilités : elles forment de nouvelles manières de réfléchir, mais aussi de créer. C’est pour cette raison qu’il existe un véritable parallèle entre le numérique et la forme d’engagement. Le citoyen numérique peut désormais exercer ses actions à l’échelle individuelle et ainsi, cette nouvelle pratique s’impose comme un véritable outil favorisant l’engagement des peuples, en particulier des jeunes, et permet de cette façon de promouvoir les valeurs qui lui sont rattachées. Mais alors, comment ces formes nouvelles se manifestent-elles ? Malgré la liberté considérable dont elles disposent, ces actions sont -elles assujetties à certaines limites ? Et lesquelles ?
Les supports numériques, un outil en faveur de l’engagement
D’abord un constat. De nombreuses pratiques voient le jour à l’ère du numérique. Grâce à ces nouveaux outils, il est extrêmement aisé de monter des projets défendant des causes très différentes les unes des autres (pratiques solidaires, appels aux dons, pages soutenant des personnes dans le besoin…). Ces dernières sont si nombreuses et diverses qu’il est presque difficile, dans un second temps, de déceler le vrai du faux. Mais en quoi l’émergence de ces pages solidaires, par exemple, facilitent-elles l’engagement ? Quelle que soit leur cause, ces pages sont toutes construites sur le même schéma et touchent ainsi le plus grand nombre et ce, en un temps très limité. De façon générale, nous avons pu observer au cours de ces dernières années la facilité des peuples à se rassembler lorsqu’ils sont habités par un engagement (en France : #JeSuisCharlie, manifestations contre la loi Travail, mais aussi à l’étranger avec le mouvement des Indignés par exemple). Les réseaux sociaux relaient et facilitent les émotions, ils s’imposent comme un élément fédérateur entre les citoyens. Nous pouvons donc, d’une certaine façon, déduire que l’engagement peut parfois partir de la sensibilité des individus. Il est également possible de soutenir une cause en un clic (pétitions, likes…) : plus le nombre de participations grimpe, plus la cause aura de l’ampleur. Il s’agit, à son échelle, de donner son avis, et d’une certaine façon d’apporter sa pierre à l’édifice dans un projet. Mais un clic peut-il être considéré comme étant un engagement ? Ce clic possède-t-il une valeur si cela ne donne pas suite dans le monde réel, s’il n’y a pas de manifestation concrète ? Car nous sommes tous anonymes derrière un clic et en un sens, cela facilite le passage du privé au public, avec un effet boule de neige. Il existe pourtant des exemples affirmant le contraire, comme les personnes handicapées, très actives derrière leurs écrans par le biais notamment de formation en ligne, donnant lieu à du concret. L’outil numérique soutient donc indéniablement l’engagement : il amplifie la sphère d’impact. Internet est sans doute majoritairement utilisé à des fins de communication entre les personnes et il est vrai que plus cette communication est importante, plus les échanges réels auront une chance de voir le jour car il existe un véritable besoin de se retrouver et d’être ensemble. Néanmoins, il ne faut pas confondre cet outil -car il s’agit surtout d’un médium d’engagement permettant de multiplier l’espace de mobilisation, le clic n’étant qu’un point de départ- avec le véritable engagement .
« Computers are like a bicycle for our minds », Steve Jobs, 1990
A l’ère du numérique, cette culture de l’information s’impose véritablement à travers une diversité de plateformes (Wikipédia…). Nous n’avons jamais eu autant de facilité à accéder au savoir et à l’information en général. Ce qui reste fondamental, c’est la capacité à développer son esprit critique. Il faudra ainsi hiérarchiser l’information que l’on absorbe, à déceler le vrai du faux, à déconstruire les messages. Car finalement, ce qui pose problème aujourd’hui, notamment chez les jeunes, c’est leur grande réceptivité à accueillir toutes les informations qui se présentent à eux, et si aujourd’hui nous faisons face à des dérives, c’est que cela résulte aussi d’un manque d’esprit critique chez l’individu (théories du complot notamment).
Quelles limites ?
Mais tous les individus, et particulièrement les jeunes, possèdent-ils la même capacité à s’engager dans une cause ? Il peut en effet exister plusieurs fractures. Dans un premier temps, il est vrai que généralement, les jeunes s’engageant civiquement forment un groupe d’individus déjà informés, qui ont des outils et à qui on donnera encore plus d’outils, à qui on donne la parole alors qu’ils la possèdent déjà. Mais est-ce une fatalité ? Pour rattacher à une cause les jeunes désinformés, il faut, grâce au bouche à oreille notamment, leur offrir la possibilité de s’exprimer car ces derniers ont sûrement au fond d’eux une soif d’engagement. Il faut leur donner les outils mais également leur réveiller la volonté de s’investir. Car s’il n’y a pas d’engagement, ce n’est sans doute pas qu’une simple question de volonté, il peut aussi s’agir d’un manque d’accès aux ressources. Dans un second temps, il existe aujourd’hui une certaine fracture générationnelle qui est source d’inégalité, et donc d’exclusion. En effet, les jeunes arrivent mieux à mobiliser avec leurs propres codes, et cela leur permet de participer à des initiatives.
Il faut donc faire confiance à la jeunesse, car celle-ci est source de diversité et de richesse. Elle possède la maîtrise des outils modernes qui lui permettront d’amplifier sa voix, souvent trop peu entendue. Mais elle est également volatile, et ce sentiment se renforce d’autant plus à l’ère du numérique. Il faut donc faire en sorte que cet engagement, quel qu’il soit, perdure dans le temps, et cela représente un nouveau défi aujourd’hui, à l’heure où la rapidité des actions et des échanges est multipliée par ces nouveaux types d’outils.
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