Veuillez trouver ci-dessous le discours tenu par le Président de l’Observatoire de la Diversité Culturelle, Thibaud Willette, lors de la remise du Prix 2014 pour la Diversité Culturelle, décerné par la Coalition Française pour la Diversité Culturelle, qui s’est tenu au siège de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques le 20 Mars 2015.
Madame la Ministre,
Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de la SACD,
Monsieur le Maire des Lilas, Monsieur le Maire-Adjoint de Bagnolet Monsieur Thomas Ostermeier,
Chers partenaires,
Chers amis de la Diversité Culturelle,
C’est un jour pour l’Observatoire de la Diversité Culturelle de bon augure, les astres sont avec nous, jour d’éclipse, jour de printemps, et jour de reconnaissance par ce prix remis par la Coalition Française de la Diversité Culturelle.
Jour de bon augure et jour de beau symbole aussi de nous réunir autour de Thomas Ostermeier et de Harlem Désir chargé des affaires européennes.
Car l’Europe de la démocratie qui a fait suite aux deux guerres mondiales se trouve désormais questionnée sur la citoyenneté, sa relation au monde et à la diversité de ses populations.
Et des réponses identitaires nationalistes en France et en Allemagne se développent et portent les dangers que l’on connaît.
J’ai la conviction que de nouvelles énergies citoyennes européennes peuvent aussi se porter ensemble entre la France et l’Allemagne tant nos destins sont depuis longtemps liés.
Je remercie donc la coalition de nous avoir réunis aujourd’hui autour de la diversité culturelle, tant je sais que M.Ostermeier est de par ses pièces et ses inspirations profondément ancrées dans des auteurs divers, notamment européens.
Venons en à l’ODC, l’idée de l’Observatoire est née en 2000 par Fulvio Caccia, qui a eu l’intuition que ce sujet de la diversité culturelle portait un sens à développer en France. Lui qui a par ses affinités et son parcours la diversité dans ses gènes, Italien, Canadien et Français.
En 2007, Fulvio décide de passer à l’action et de mettre en œuvre des actions concrètes sur notre territoire de proximité, les Lilas.
Il fait appel à des membres pour créer un bureau et à moi pour devenir Président.
A ce moment là, la question de l’identité nationale est profondément instrumentalisée et j’éprouve le désir de m’engager pour porter la question de la diversité culturelle.
Travaillant et vivant en Seine-Saint-Denis j’ai la conviction que ce territoire cosmopolite est porteur d’innovations sociales et sociétales. Et que cela mérite d’être soutenu par le développement de nouvelles actions culturelles et citoyennes, des partenariats et des davantage d’ouvertures du champ de la recherche à la diversité culturelle.
C’est donc dans ce moment que nous nous sommes engagés collectivement dans l’association, avec Fulvio, Isabelle et Gilles, puis Vivien et Nancy.
Je remercie aussi Emmanuel, Margot, Jean Paul et Antoine qui nous ont accompagnés à un moment donné, chacun à sa manière, dans cette aventure.
Je remercie aussi l’équipe salariée actuelle de l’ODC qui entoure Fulvio, Salah, Claire et Benoît.
Et les membres du CA présents, notamment Esther, Alain et Nabil.
Évidemment j’en profite aussi pour remercier nos partenaires, La Ville des Lilas, le Conseil général, le Conseil régional, la DDCS,
Notre député Claude Bartolone.
Ainsi que tous les cinéastes, écrivains, intellectuels, universitaires, responsables associatifs, citoyens qui nous trouvent de nouvelles idées de rencontres, de débats, de réflexions et nous aident à les construire.
Notre première grande initiative et succès fut le 25 août 2007, une initiative mobilisatrice et fondatrice de l’ODC.
Nous avons réalisé alors un spectacle autour des femmes résistantes, en mettant en avant les penseurs européens qui ont lutté contre le nazisme. Nous avions décidé de mettre en avant les femmes résistantes, car elles sont souvent oubliées et aux Lilas, on ne peut pas les oublier, car elles ont été enfermées au fort tout proche de Romainville. Le spectacle était en plein air, le premier dans ce parc Lucie Aubrac des Lilas. Daniel Guiraud était présent et nous avait soutenu dans cette démarche originale. Bel hommage à cette résistante et nous avions aussi un témoin de cette époque Madeleine Odru. Nous avions des artistes professionnels et des citoyens ; des textes lus, joués, et des chansons. Le public est venu nombreux.
La marque ODC était née, une variété de registres culturels et une interaction entre professionnels et citoyens, un lieu public différent ici un parc et bien sûr l’ouverture aux apports des artistes et cultures d’autres pays.
Cette équipe a peu changé, 8 ans après, nous avons avancé, dans nos partenariats, dans nos actions, dans nos financements. Je les remercie aussi tous vivement tant ce travail de patience et collectif porte ses fruits dans la durée.
Les rencontres avec des écrivains, intellectuels, cinéastes passionnants ne peut que nous faire constamment oublier que le temps passe, tant la passion est réelle. J’ai découvert que Thomas Ostermeier est directeur de la Schaubühne de Berlin depuis 1999. Ce qui m’a rassuré sur ma potentielle durée dans l’engagement dans l’ODC.
Nous avons donc lancé des ciné-conférences avec la Ville des Lilas dont je salue la direction des affaires culturelles Isabelle Altounian et Stéphanie Bourson, les ciné-clubs, les rencontres littéraires, les rencontres musicales avec la voix du Griot d’Esther Kouyaté.
Présenter un artiste et discuter avec le public, mener un débat citoyen.
Cette notion est essentielle pour l’ODC multiplier les occasions de débats dans une époque où le virtuel et le zapping sont rois, nous semble essentiel, sinon comment comprendre, analyser, critiquer si la connaissance n’est pas suffisante pour dépasser les simples stéréotypes.
Nous avons renforcé nos actions justement vers certains publics, les jeunes et les populations défavorisées.
Je salue notamment le travail passionnant mené avec la Ville de Bagnolet avec l’appui de Daouda Keita et les centres sociaux.
Nous menons désormais des ciné-jeunes, le premier a eu lieu au cinéma Etoile Les Lilas autour du film la cour de Babel avec Julie Bertucelli.
200 jeunes étaient présents, le débat a été de qualité sur des enjeux de citoyenneté. A l’issue, nous étions convaincus que cette jeunesse de la diversité tant décriée, mérite des temps d’échange citoyens réguliers. En a-t-elle souvent l’occasion ? Trop peu certainement.
Nous entendons diversité culturelle, dans un terme large qui ne fige pas les personnes forcément dans un parcours passé d’immigré. La diversité, c’est un état de fait, mais qui permet l’ouverture car chacun d’entre nous est porteur de singularité liée à ses origines, à ses déplacements ou à ses curiosités.
Quand bien même la singularité serait le déplacement passé, qui n’a pas dans son histoire familiale une histoire de déplacement à raconter, que ce soit d’Auvergne, de l’Oise, des Antilles, d’Afrique ou du Chili (là c’est un clin d’œil à nos amis chiliens dans la salle)
Chacun se déplace, l’humanité est en mouvement sur la terre (et la terre dans l’univers) Le voyage est l’essence même quelque part du destin de l’humanité et permet de relativiser le caractère instrumentalisé exceptionnel de la personne immigrée.
La diversité des populations peut être vécue comme une chance, dans un contexte de mondialisation, avoir des habitants qui parlent de multiples langues, ont des connections avec le monde entier, est un atout, ce sont des compétences à valoriser. D’ailleurs, quand on candidate à des Jeux Olympiques le caractère international des habitants du territoire est un atout de poids dans la décision.
Le thème de la diversité culturelle doit évidemment se porter nationalement avec des programmes de lutte contre les discriminations et des implications dans l’éducation et les programmes scolaires. Le Musée de l’histoire et de l’immigration concerne tous les jeunes Français et pas seulement les jeunes qui ont des parents issus de pays étrangers. Ces jeunes issus de la diversité doivent pouvoir échanger avec d’autres jeunes de France qui vivent d’autres situations, il faut à tout prix décloisonner et provoquer des lieux de rencontres.
Le soutien aux actions locales autour de la diversité culturelle est aussi impératif.
Le tissu associatif, respectueux comme le nomme Michel Wieworka des valeurs universelles et œuvrant pour la culture, la citoyenneté et le dialogue interculturel doit être conforté. Malheureusement, la tentation du soutien communautaire, sans engager une démarche volontariste et réfléchie de dialogue interculturel est forte, tant la France sûre de ses valeurs considère souvent qu’elle n’a pas besoin de s’interroger et de renouveler ses pratiques. Or récemment, dans l’urgence, quand il faut renouveler un dialogue, on s’appuie sur les religieux alors qu’il faudrait soutenir la culture.
Dans cette perspective, Monsieur le Ministre, l’Europe a un rôle à jouer en soutenant par de nouvelles initiatives la culture et la citoyenneté dans des territoires d’Europe qui en ont bien besoin.
Les fonds structurels ont été débloqués pour le social, l’aménagement de proximité, et plus récemment pour l’insertion des jeunes, il est temps de lancer un plan de proximité européen pour la culture et la citoyenneté
Pour conclure, je voulais réaffirmer que bien entendu la diversité culturelle est compatible avec la République, car il ne s’agit pas d’un engagement sur l’isolement des cultures, mais bien sur les interactions et le dialogue interculturel, comme le dit justement le Clézio: « ce qui fonctionne c’est l’interculturel conçu comme une voie d’échange entre les humains ».
La civilisation s’inscrit dans l’ouverture et l’échange et la République aussi.
La force du symbole de la République française, c’est que nos valeurs sont justement universelles.
D’autres peuples, d’autres cultures y ont trouvé une résonance.
En ces temps de crise, la France n’a pas à douter de sa culture, elle est présente dans le monde entier, l’espace francophone est lui aussi très vivace, sans oublier que plus de 2 millions de Français vivent en dehors du territoire et portent la culture et la diversité dans le monde.
La France est diverse, mais réjouissons nous, c’est cette diversité qui fait sa force portée ici et ailleurs par notre devise républicaine Liberté, Egalité, Fraternité.
Cette reconnaissance est une chance pour l’ODC, mais aussi un devoir de porter ce combat et cet engagement avec vous ici et ailleurs.
Je vous remercie