On a tous dans nos familles la mémoire d’un déplacement. Qu’il soit la conséquence de l’exode de la campagne vers la ville ou d’une migration plus lointaine ou d’un exil politique…, ce voyage devient un épisode important du roman familial qui contribue à façonner notre identité. Les jeunes y sont particulièrement sensibles alors que leur personnalité a besoin de repères pour se former. Hélas les occasions pour la raconter ne sont pas nombreuses et ce d’autant que cette histoire est parfois occultée ou racontée par bribes ou de manière allusive. Ce festival nous a semblé une occasion pour donner écho à ces récits ordinaires.Il ne s’agit pas ici, vous l’aurez compris, de raconter nécessairement sa propre histoire ou celle de ses parents. L’histoire peut être celle d’un parent proche (un oncle, un grand-père, un cousin mais dont le récit aura été suffisamment prégnant pour entrer dans le récit familial). On ne vise pas non plus l’exhaustivité ou la précision historique ; ce qui est intéressant de mettre en lumière c’est la manière dont le moins jeune et le jeune ou le témoin s’empare de cette histoire et la « métabolise », la fait sienne. Voici les traces de certains d’entre eux. Bonne lecture.
Elle a dû quitter son pays, sa famille, le soleil pour suivre son époux, parti pour aller travailler en France dans les années 45. Elle a pris le bateau avec son beau-père, en quatrième classe, avec les bestiaux et deux de ses enfants nés en Algérie, respectivement âgés de 2 ans et de 6 mois.
Ils débarquèrent à Marseille et durent prendre le train pour Thionville : la Lorraine, la Lorraine vilaine, industrielle, des mines, un ciel gris. Elle voulut repartir vers son pays natal immédiatement. Elle logeait dans une chambre insalubre avec des voisins racistes et, bien que son mari soit bachelier, il descendait pousser des chariots tous les jours à la mine. Deux autres enfants sont nés à Thionville.
Puis un JOUR !!! Elle s’adressa à un immigré d’Algérie dont son mari et elle-même connaissaient la famille et qui lui, coulait du goudron sur les routes, travail qu’à l’époque aucun français ne voulait faire. Celui-ci fut choqué de voir son camarade algérien si cultivé, si instruit, faire ce travail si ingrat et bien au-dessous de ses capacités et de ses compétences. Et comme ce dernier travaillait à la SPIE Batignolles (Société Parisienne d’Industrie Electrique), il le présenta au directeur du recrutement et là… son époux trouva un emploi de comptable en Bretagne.
Il acheta immédiatement une très belle villa pour toute sa famille, embaucha une femme de ménage. Sa femme, elle, se mit à apprendre à lire et à écrire le français, passa son permis de conduire et eu la première ID 19 de La Baule. Puis ce fut après le départ pour Paris et l’ascension sociale. Des années de bonheur !!! Un retour à un milieu social comme en Algérie. Et c’est l’histoire de mes parents.
Eternel serviteur,
Abdessened