L’Observatoire de la Diversité Culturelle vous propose de découvrir un extrait d’un entretien avec Rani Massalha, réalisateur du film Girafada que nous projetterons au Cinéma Etoile Lilas le 22 mai prochain.
Comment est née l’idée du film ? Né d’un père palestinien et d’une mère égyptienne, je me suis toujours passionné pour le conflit israélo-palestinien. En 2003, au moment de la seconde intifada, une dépêche intitulée « Le conflit israélo palestinien a fait une victime de plus : une girafe est morte au zoo de Qalqilya » a attiré mon attention. J’ignorais qu’il existait un zoo en Palestine, je me suis mis aussitôt en tête d’agir pour que ce zoo acquière une nouvelle girafe en pratiquant un échange d’animal avec un zoo israélien. J’ai grandi et fait mes études en France mais je travaillais alors dans la finance à Londres. J’ai profité des contacts de mon père pour entrer en relation avec le vétérinaire du zoo et d’autres personnalités de la région. Je me suis battu pour ramener une girafe à Qalqilyia. Il me semblait que c’était une manière de rendre aux enfants palestiniens le seul espace où ils pouvaient encore prétendre à vivre des bonheurs de leur âge. Ma tentative a échoué. J’ai eu envie de raconter une histoire qui s’en inspirait.
Revenons aux évènements de Qalqilya. Situé près de Naplouse et littéralement encerclé par le mur, le zoo, comme toute la région alentour, vivait alors en permanence sous la menace des bombardements israéliens. La confiance entre Israël et Palestine était brisée. Le pays était en état de guerre au sens classique du terme. Il n’existait qu’un seul check point. La conciliation était impossible. De nombreux médias se sont passionnés pour cette histoire : un zoo en Palestine, c’est tellement improbable … Une journaliste britannique, Amelia Thomas, lui a consacré un livre, « The Zoo on the Road to Naplouse », un réalisateur néo-zélandais, Hayden Campbell, en a tiré un documentaire, « The Zoo », et en 2005 l’artiste allemand Peter Friedle a exposé la girafe tuée à La Documenta à Kassell, vaste exposition d’art contemporain qui se te tient tous les cinq ans, après qu’elle a été empaillée. Il y a vraiment eu une effervescence médiatique et culturelle autour de ce zoo. Je me suis emparé à mon tour de l’évènement : il me semblait que c’était une manière originale de mettre en lumière le conflit israélo-palestinien.
Pourquoi avoir eu envie d’en faire un film de fiction ? Je voulais raconter une fable à hauteur d’enfants. Le cinéma me semblait le meilleur outil pour y parvenir.
Avec cette fable, vous réussissez paradoxalement à faire entrer très concrètement le spectateur dans la réalité du conflit israélo-palestinien. C’était mon idée. L’univers féerique du zoo rend d’autant plus fort le contraste avec le chaos militaire qui règne dans ce pays. De nombreux films ont été consacrés au conflit, mais peu à hauteur d’enfants. La situation émotionnelle dans laquelle se trouvent ce petit garçon et son père me permettait de raconter d’une autre façon le traumatisme subi par tout un peuple.
Le tournage a duré six semaines seulement. Comment s’est-il déroulé ? Les tensions entre l’armée israélienne et le Hamas venaient de reprendre. Sans subir de bombardements, nous l’avons vécu dans un état de tension très forte. Je tenais à ce que l’équipe technique soit mixte – des Palestiniens, des Israéliens, des Français et des Allemands. Il y a eu parfois – rarement – des éclats entre eux. C’était intéressant de voir ces gens confronter leurs positions et parfois s’en écarter un peu au terme de longues discussions.
Vous filmez des paysages très peu connus des Européens. Les films consacrés au conflit sont souvent tournés à Malte ou du côté israélien avec de fausses reconstitutions de villes. Pour ma part, je tenais à tourner dans les vrais lieux. Je suis très fier d’avoir planté ma caméra à Naplouse, au milieu des ruines de cette ville millénaire.
Comment émerge-t-on d’une telle expérience ? La tête pleine de projets. Le cinéma est devenu ma vie. Je suis en train de créer ma société de production : Les Films du Tambour. J’ai deux scénarii en route. Le premier, que je développe avec Jacques Fieschi, se déroule en Egypte dans le quartier des chiffonniers. Le film raconte l’histoire d’un militaire musulman qui reçoit l’ordre de mettre à mort tous les porcs du Caire, en réponse à la propagation de la grippe H1N1. Marié à une chiffonnière copte dont le père a un élevage de porcs, il devra faire des choix difficiles pour lui et sa famille. Le second est une comédie qui se passe en Terre Sainte : deux fous, échappés d’un hôpital psychiatrique, répandent le bruit qu’Elvis Presley est toujours en vie : il est Palestinien et vit à Nazareth. A suivre …
Retrouvez l’intégralité de l’entretien avec Rani Massalha sur le lien suivant presskit Pyramide Distribution.